Démarche

 

Artiste pluridisciplinaire, Alphiya Joncas poursuit une conversation avec le territoire. Son travail, qui croise les pratiques de la photographie, de la sculpture et de l’écriture, s’active dans le temps long et cultive un discours sensible sur le sentiment d’être chez soi. Ses gestes authentiques vont à la rencontre du milieu insulaire des Îles-de-la-Madeleine qu’elle habite, affectionne et identifie comme ancrage. Des stratégies comme la marche, le mouvement et le déploiement lui servent à ratisser leur immensité et appréhender leurs espaces, dans une volonté d’épouser leur grandeur d’accueil et de questionner sa propre identité par le témoignage de son enracinement en leur sein.

Jamais trop distanciée de son appareil photographique, elle trimbale ce dernier dans ses longues déambulations, sensible aux paysages qui accrochent son regard et soucieuse de les capter. Ses projets évoquent des lieux qui chevauchent la limite entre le familier et l’inconnu. Nullement nommés ni identifiés quoique l’on devine leurs contours madelinots, ces espaces-maisons sont donnés en partage par l’artiste et racontent l’histoire d’un attachement avec toutes ces zones habitables qui tôt ou tard décident de nous étreindre, de nous adopter. L’anonymisation permise par la démarche porte le récit universel de nos lieux quotidiens : éphémères, ils encaissent de perpétuels bougements, regardent passer sur eux des bousculements saisonniers qui préservent leur effet de saisissement à la constance touchante. Les images produites par Joncas, qui offrent souvent des superpositions poétiques de perspectives altérées et revisitées, constatent la spontanéité des coups d’œil que l’on pose sur les choses et les environnements. Elles rendent tangible l’aléatoire des rencontres contemplatives mais bien réelles qui nous lient à eux. 

Son travail suggère ainsi une forme de flottement. En marchant dans ces écosystèmes pluriels et porteurs, Joncas adopte une posture de dérive qui la fait aller d’une butte à l’autre, d’où semblent pousser les maisons. Elle oscille entre les pleins et les vides, rassemble des bouts d’îles afin d’écrire de nouveaux paysages aux imaginaires fleurissants. Sculpter la matérialité du territoire et y inscrire sa présence : tout cela part d’une avidité de (re)connaître l’endroit, de se laisser y nouer des ports d’attaches et d’affirmer son intuition d’enfin s’y être déposée. Les Îles-de-la-Madeleine sont une demeure – et deviennent pour Joncas des sujets inépuisables pour tracer la cohabitation.

 

Texte écrit par Galadriel Avon